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Page:Gautier - Mademoiselle de Maupin (Charpentier 1880).djvu/221

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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

ticité ; elle se tient debout, son dauphin derrière elle, le pied sur sa conque de nacre ; le soleil frappe sur son ventre poli, et de sa blanche main elle soutient en l’air les flots de ses beaux cheveux où le vieux père Océan a semé ses perles les plus parfaites. — On la peut voir : elle ne cache rien, car la pudeur n’est faite que pour les laides, et c’est une invention moderne, fille du mépris chrétien de la forme et de la matière.

Ô vieux monde ! tout ce que tu as révéré est donc méprisé ; tes idoles sont donc renversées dans la poussière ; de maigres anachorètes vêtus de lambeaux troués, des martyrs tout sanglants et les épaules lacérées par les tigres de tes cirques se sont juchés sur les piédestaux de tes dieux si beaux et si charmants : — le Christ a enveloppé le monde dans son linceul. Il faut que la beauté rougisse d’elle-même et prenne un suaire. — Beaux jeunes gens aux membres frottés d’huile qui luttez dans le lycée ou le gymnase, sous le ciel éclatant, au plein soleil de l’Attique, devant la foule émerveillée ; jeunes filles de Sparte qui dansez la bibase, et qui courez nues jusqu’au sommet du Taygète, reprenez vos tuniques et vos chlamydes : — votre règne est passé. Et vous, pétrisseurs de marbre, Prométhées du bronze, brisez vos ciseaux : — il n’y aura plus de sculpteurs. — Le monde palpable est mort. Une pensée ténébreuse et lugubre remplit seule l’immensité du vide. — Cléomène va voir chez les tisserands quels plis fait le drap ou la toile.

Virginité, plante amère, née sur un sol trempé de sang, et dont la fleur étiolée et maladive s’ouvre péniblement à l’ombre humide des cloîtres, sous une froide pluie lustrale ; — rose sans parfum et toute hérissée d’épines, tu as remplacé pour nous les belles et joyeuses roses baignées de nard et de falerne des danseuses de Sybaris !