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Page:Gautier - Mademoiselle de Maupin (Charpentier 1880).djvu/424

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MADEMOISELLE DE MAUPIN.

croyait bien en avoir mérité une seconde. Sur la fin de la semaine, le malheureux amant désappointé reçut une lettre de Théodore, que nous allons transcrire. J’ai bien peur qu’elle ne satisfasse ni mes lecteurs ni mes lectrices ; mais, en vérité, la lettre était ainsi et pas autrement, et ce glorieux roman n’aura pas d’autre conclusion.


XVII


« Vous êtes sans doute très-surpris, mon cher d’Albert, de ce que je viens de faire après ce que j’ai fait. — Je vous le permets, il y a de quoi. — Parions que vous m’avez déjà donné au moins vingt de ces épithètes que nous étions convenus de rayer de votre vocabulaire : — perfide, inconstante, scélérate, — n’est-ce pas ? — Au moins, vous ne m’appellerez pas cruelle ou vertueuse, c’est toujours cela de gagné. — Vous me maudissez, et vous avez tort. — Vous aviez envie de moi, vous m’aimiez, j’étais votre idéal ; — fort bien. Je vous ai accordé sur-le-champ ce que vous demandiez ; il n’a tenu qu’à vous de l’avoir plus tôt. J’ai servi de corps à votre rêve le plus complaisamment du monde. — Je vous ai donné ce que je ne donnerai assurément plus à personne, surprise sur laquelle vous ne comptiez guère et dont vous devriez me savoir plus de gré. — Maintenant que je vous ai satisfait, il me plaît de m’en aller. — Qu’y a-t-il de si monstrueux ?

« Vous m’avez eue entièrement et sans réserve toute une nuit ; — que voulez-vous de plus ? Une autre nuit, et puis encore une autre ; vous vous accommoderiez même des jours au besoin. — Vous continueriez ainsi jusqu’à ce que vous fussiez dégoûté de moi. — Je vous entends d’ici vous écrier très-galamment que je ne