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MADEMOISELLE

DE MAUPIN





I


Tu te plains, mon cher ami, de la rareté de mes lettres. — Que veux-tu que je t’écrive, sinon que je me porte bien et que j’ai toujours la même affection pour toi ? — Ce sont choses que tu sais parfaitement, et qui sont si naturelles à l’âge que j’ai et avec les belles qualités qu’on te voit, qu’il y a presque du ridicule à faire parcourir cent lieues à une misérable feuille de papier pour ne rien dire de plus. — J’ai beau chercher, je n’ai rien qui vaille la peine d’être rapporté ; — ma vie est la plus unie du monde, et rien n’en vient couper la monotonie. Aujourd’hui amène demain comme hier avait amené aujourd’hui ; et, sans avoir la fatuité d’être prophète, je puis prédire hardiment le matin ce qui m’arrivera le soir.

Voici la disposition de ma journée : — je me lève, cela va sans dire, et c’est le commencement de toute journée ; je déjeune, je fais des armes, je sors, je rentre, je dîne, fais quelques visites ou m’occupe de quelque lecture : puis je me couche précisément comme j’avais fait la veille ; je m’endors, et mon imagination, n’étant pas excitée par des objets nouveaux, ne