Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/103

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Cette phrase, si simple en apparence, parut une infernale ironie lorsqu’on ouvrit le paquet.

Il renfermait, devinez quoi ? la redingote noire, le gilet piqué jaune, le pantalon blanc de l’infortuné Andrès, et ses jolies bottes vernies à la tige de maroquin rouge. On avait poussé le sarcasme jusqu’à rouler ses gants de Paris l’un dans l’autre avec beaucoup de soin.

À ce fait étrange et sans exemple dans les annales du crime, Argamasilla et Covachuelo restèrent frappés de stupeur : l’un leva les bras au ciel, l’autre les laissa pendre flasquement le long de ses hanches, dans une attitude découragée ; le premier dit : O tempora ! et le second : O mores !

Qu’on ne s’étonne pas d’entendre deux alguazils parler latin : Argamasilla avait étudié la théologie, et Covachuelo le droit ; mais ils avaient eu des malheurs. Qui n’en a pas eu ?

Renvoyer les habits de la victime à son domicile, fort proprement pliés et ficelés, n’était-ce pas un raffinement de perversité rare ? Joindre la raillerie au crime, quel beau texte pour le discours du fiscal !

Cependant l’examen des habits envoyés rendit encore les dignes agents plus perplexes.

Le drap de la redingote était parfaitement intact ; aucun trou triangulaire ou rond, accusant le passage d’une lame ou d’une balle, ne s’y montrait. Peut-être la victime avait-elle été étouffée. Alors il