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Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/113

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sur lesquelles son ombre avait de la peine à le suivre, il eût fait une figure d’un effet puissant ; car ce galop bruyant à travers la ville silencieuse, cette hâte à travers la nuit paisible, étaient tout un drame : mais les peintres étaient couchés.

Il eut bientôt atteint la route de Caravanchel, dépassé le pont de Ségovie, et s’élança à fond de train dans la campagne sombre et morne.

Déjà il était à plus de quatre lieues de Madrid, lorsque la pensée de Militona se présenta si vivement à son esprit, qu’il se sentit incapable d’aller plus loin. Il crut que son coup n’avait pas été bien porté, et que son rival n’avait peut-être qu’une légère blessure ; il se le figura guéri, aux genoux de Militona souriante.

Une sueur froide lui baigna le front ; ses dents s’engrenèrent les unes dans les autres sans qu’il pût les desserrer ; ses genoux convulsifs serrèrent si violemment les flancs de son cheval, que la noble bête, les côtés ployés, manquant de respiration, s’arrêta court. Juancho souffrait comme si on lui eût plongé dans le cœur des aiguilles rougies au feu.

Il tourna bride et revint vers la ville comme un ouragan. Quand il arriva, son cheval noir était blanc d’écume. Trois heures du matin venaient de sonner ; Juancho courut à la rue del Povar. La lampe