Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


VII


Arrivé au palier du premier étage, Juancho, chancelant, éperdu, s’arrêta et demeura comme pétrifié ; il avait peur de lui-même et des choses terribles qui allaient se passer. Cent mille idées lui traversèrent la tête en une minute. Se contenterait-il de trépigner son rival et de lui faire rendre ce qui lui restait de son souffle abhorré ? Tuerait-il Militona ou mettrait-il le feu à la maison ? Il flottait dans un océan de projets horribles, insensés, tumultueux. Pendant un court éclair de raison, il fut sur le point de descendre, et avait même déjà fait une demi-conversion de corps ; mais la jalousie lui enfonça de nouveau son épine empoisonnée dans le cœur, et il recommença à gravir la rude échelle.

Certes, il eût été difficile de trouver une nature plus robuste que celle de Juancho : un col rond comme une colonne et fort comme une tour, rattachait sa tête puissante à ses épaules athlétiques ; des nerfs d’acier s’entrecroisaient sur ses bras invincibles ; sa poitrine eût défié les pectoraux de marbre des gladiateurs antiques ; d’une main il aurait arraché la corne d’un taureau ; et pourtant la violence de la douleur morale brisait toute cette force physique. La sueur baignait ses tempes, ses jambes