Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/137

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jolie, l’inquiétait plus qu’elle n’aurait voulu en convenir vis-à-vis d’elle-même. L’âme féminine la plus sèche a toujours quelque fibre qui palpite, pincée par l’amour-propre et la jalousie.

Sans trop savoir pourquoi, Feliciana fit une toilette exorbitante et tout à fait déplacée pour la circonstance : pressentant une lutte, elle se revêtit de pied en cap de la plus solide armure qu’elle put trouver dans l’arsenal de sa garde-robe, non que, dans son dédain de bourgeoise riche, elle crût pouvoir être battue par une simple manola, mais instinctivement elle voulait l’écraser par l’étalage de ses splendeurs, et frapper Andrès d’une amoureuse admiration. Elle choisit un chapeau de gros de Naples couleur paille, qui faisait paraître encore plus mornes ses cheveux blonds et sa figure fade ; un mantelet vert-pomme garni de dentelles blanches sur une robe bleu de ciel ; des bottines lilas et des gants de filet noir brodés de bleu. Une ombrelle rose entourée de dentelles et un sac alourdi de perles d’acier complétaient l’équipement.

Toutes les couturières et toutes les femmes de chambre du monde lui eussent dit : « Mademoiselle, vous êtes mise à ravir ! »

Aussi, lorsqu’elle donna un dernier coup d’œil à la glace de sa psyché, sourit-elle d’un air fort satisfait ; jamais elle n’avait ressemblé davantage à la poupée d’un journal de modes sans abonnés.