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Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/145

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leur force véritable, sauf à n’en convenir jamais. Sa mauvaise humeur s’en augmenta, et elle dit d’un ton assez aigre au pauvre Andrès :

« Si votre médecin ne vous a pas défendu de parler, racontez-nous donc un peu votre aventure ; car c’est une aventure que nous ne savons que d’une manière fort embrouillée.

— Ho ! tâchez de raconter l’histoire romanesque, ajouta l’Anglais.

— Tu veux le faire bavarder et tu vois bien qu’il est encore très faible, interrompit Geronimo avec une bonhomie paternelle.

— Cela ne le fatiguera pas beaucoup, et, au besoin, mademoiselle pourra venir à son aide ; elle doit savoir toutes les circonstances. »

Ainsi interpellée, Militona se rapprocha du groupe.

« J’avais eu la fantaisie, dit Andrès, de me déguiser en manolo, pour courir dans les anciens quartiers et jouir de l’aspect animé des cabarets et des bals populaires ; car, vous le savez, Feliciana, j’aime, tout en admirant la civilisation, les vieilles coutumes espagnoles. En passant par cette rue, j’ai rencontré un farouche donneur de sérénades, qui m’a cherché querelle et m’a blessé dans un combat au couteau, loyalement et dans toutes les règles. Je suis tombé, et mademoiselle m’a recueilli demi-mort sur le seuil de sa maison.