Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/146

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— Mais savez-vous bien, Andrès, que cela est fort romantique et ferait un sujet de complainte admirable, en poétisant un peu les choses ? Deux farouches rivaux se rencontrent sous le balcon d’une beauté... » Et en disant cela elle regardait Militona, et riait d’un méchant sourire forcé... « Ils se cassent leur guitare sur la tête et se tracent des croix sur la figure. Cette scène, gravée sur bois et placée en tête de la romance, produirait le plus bel effet ; ce serait à faire la fortune d’un aveugle.

— Mademoiselle, dit gravement Militona, deux lignes plus bas, et la lame entrait dans le cœur.

— Certainement ; mais, comme toujours, elle a glissé de manière à ne faire qu’une blessure intéressante...

— Qui ne vous intéresse guère, en tous les cas, répondit la jeune fille.

— Elle n’a pas été reçue en mon honneur, et je ne puis y prendre un si vif intérêt que vous ; cependant, vous voyez que je viens rendre visite à votre blessé. Si vous voulez, nous veillerons chacune notre tour : ce sera charmant.

— Jusqu’à présent je l’ai veillé seule, et je continuerai, répondit Militona.

— Je sens qu’à côté de vous je puis paraître froide ; mais il n’est pas dans mes mœurs de recueillir des jeunes gens chez moi, même pour une légère égratignure à la poitrine.