Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/156

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ce divin sourire, ce cou rond et souple, cette taille si mince, ce pied d’enfant, tout cela c’est à lui ! Il peut lui prendre la main, et elle ne la retire pas ; faire pencher vers lui sa tête adorée, qu’elle ne détourne pas avec dédain. Quel crime ai-je commis pour être puni de la sorte ? Il y a tant de belles filles en Espagne qui ne demanderaient pas mieux que de me voir à leurs genoux ! Quand je parais dans l’arène, plus d’un cœur palpite sous une jolie gorge ; plus d’une main blanche me salue d’un signe amical. Que de Sévillanes, de Madrilènes et de Grenadines m’ont jeté leur éventail, leur mouchoir, la fleur de leurs cheveux, la chaîne d’or de leur cou, transportées d’admiration pour mon courage et ma bonne mine ! Eh bien ! je les ai dédaignées ; je n’ai voulu que celle qui ne voulait pas de moi ; entre ces mille amours j’ai choisi une haine ! Entraînement invincible ! destin fatal ! Pauvre Rosaura, toi qui avais pour moi une si naïve tendresse à laquelle je n’ai pas répondu, insensé que j’étais, comme tu as dû souffrir ! Sans doute je porte aujourd’hui la peine du chagrin que je t’ai fait. Le monde est mal arrangé : il faudrait que tout amour fît naître son pareil ; alors on n’éprouverait pas de pareils désespoirs. Dieu est méchant ! C’est peut-être parce que je n’ai pas fait brûler de cierges devant l’image de Notre-Dame, que j’ai éprouvé de telles disgrâces. Ah ! mon Dieu ! mon Dieu !