Aller au contenu

Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/179

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

caché par le feuillage, touchait presque à son oreille ; une seconde de plus, et cette tête charmante allait voler en éclats, et toute cette beauté ne former qu’un mélange de sang, de chair et d’os broyés.

Au moment de briser son idole, le cœur de Juancho se gonfla ; un nuage passa sur ses yeux ; cette hésitation ne dura que l’espace d’un éclair, mais elle sauva Mme de Salcedo, qui ne sut jamais quel péril elle avait couru et qui acheva sa promenade au Generalife avec la plus parfaite tranquillité d’esprit.

« Allons, décidément, je suis un lâche, dit Juancho en s’enfuyant à travers les broussailles ; je n’ai de courage que contre les taureaux et les hommes. »

Quelque temps après, la renommée se répandit d’un torero qui faisait des prodiges d’adresse et de valeur ; jamais on n’avait vu une témérité pareille : il disait venir d’Amérique, de Lima, et en ce moment donnait des représentations à Puerto de Santa Maria.

Andrès, qui se trouvait avec sa femme à Cadix, où il avait été dire adieu à un ami en partance pour Manille, eut le désir, bien naturel pour un aficionado comme lui, d’aller voir ce héros tauromachique ; Militona, quoique douce et sensible, n’était pas femme à refuser une semblable proposition, et tous deux descendirent sur la jetée, afin de prendre