Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/178

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Il était donc là, son arme chargée à côté de lui, épiant, écoutant les bruits de pas dans le lointain, se disant pour raison suprême et dernier encouragement au meurtre :

« Elle a tué mon âme, je puis bien tuer son corps ! »

Un son de voix rieuses et claires se fit entendre au bout du sentier.

Juancho tressaillit et devint livide ; puis il arma le chien du tromblon.

« N’est-ce pas, disait Militona à son mari, on dirait le sentier qui mène au paradis terrestre ; ce ne sont que fleurs et parfums, chants d’oiseaux et rayons... Avec un chemin pareil, on serait fâché d’arriver même au plus bel endroit ! »

Elle était, en disant ces mots, parvenue près du figuier fatal.

« Qu’il fait bon, qu’il fait frais ici ! Je me sens toute légère, toute heureuse. »

La gueule du tromblon invisible était orientée parfaitement dans la direction de sa tête, qui n’avais jamais été plus rose et plus souriante.

« Allons, pas de faiblesse, murmura Juancho en mettant le doigt sur la gâchette de la détente. Elle est heureuse, elle vient de le dire, jamais moment ne fut plus favorable. Qu’elle meure sur cette phrase ! »

C’en était fait de Militona : la bouche du tromblon,