Page:Gautier - Militona, Hachette, 1860.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Un calesin, le lundi, à la porte d’Alcala, n’a rien en soi qui mérite une description particulière et doive attirer l’attention, et si celui-là est honoré d’une mention spéciale, c’est qu’à sa vue, la plus agréable surprise avait éclaté sur la figure de don Andrès.

Il n’est guère dans l’usage qu’une voiture se rende vide à la place des Taureaux ; aussi le calesin contenait-il deux personnes.

La première était une vieille, petite et grosse, vêtue de noir, à l’ancienne mode, et dont la robe, trop courte d’un doigt, laissait paraître un ourlet de jupon en drap jaune, comme en portent les paysannes en Castille ; cette vénérable créature appartenait à cette espèce de femmes qu’on appelle en Espagne la tia Pelona, la tia Blasia, selon leur nom, comme on dit ici la mère Michel, la mère Godichon, dans le monde si bien décrit par Paul de Kock. Sa face large, épatée, livide, aurait été des plus communes, si deux yeux charbonnés et entourés d’une large auréole de bistre, et deux pinceaux de moustaches obombrant les commissures des lèvres, n’eussent relevé cette trivialité par un certain air sauvage et féroce digne des duègnes du bon temps. Goya, l’inimitable auteur des Caprices, vous eût en deux coups de pointe gravé cette physionomie. Bien que l’âge des amours fût envolé depuis longtemps pour elle, si jamais il avait existé, elle n’en