Pour rencontrer Andrès, il s’était dit qu’il fallait fréquenter le salon du Prado, les théâtres del Circo et del Principe, les cafés élégants et les autres lieux de réunion de gens comme il faut ; et, bien qu’il professât un profond dédain pour les habits bourgeois, et fût ordinairement vêtu en majo, une redingote, un pantalon noir et un chapeau rond étaient posés sur une chaise : il était allé les acheter le matin sous les piliers de la calle Mayor, précisément à l’heure où Andrès faisait son emplette au Rastro ; l’un pour arriver à l’objet de sa haine, l’autre pour arriver à l’objet de son amour avaient pris le même moyen.
Feliciana, à qui don Andrès ne manqua pas d’aller faire sa visite à l’heure ordinaire avec l’exactitude d’un amant criminel, lui fit d’amers reproches sur les notes fausses et les distractions sans nombre dont il s’était rendu coupable la veille chez la marquise de Benavidès. C’était bien la peine de répéter si soigneusement ce duo, de le chanter tous les jours, pour faire un fiasco à la soirée solennelle. Andrès s’excusa de son mieux. Ses fautes avaient fait briller d’un éclat plus vif l’imperturbable talent de Feliciana, qui n’avait jamais été mieux en voix, et qui avait chanté à rendre jalouse la Ronconi du théâtre del Circo ; et il n’eut guère de peine à la calmer ; ils se séparèrent fort bons amis.