Quel est donc ce baiser humide et sans haleine,
Cette bouche sans lèvres est-ce une bouche humaine,
Est-ce un baiser vivant ?
O prodige ! A ma droite, à ma gauche, personne.
Mes os craquent d’horreur, toute ma chair frissonne
Comme un tremble au grand vent.
Ce baiser c’est le mien : je suis le ver de terre ;
Je viens pour accomplir le solennel mystère.
J’entre en possession ;
Me voilà ton époux, je te serai fidèle.
Le hibou tout joyeux fouettant l’air de son aile
Chante notre union.
Oh ! si quelqu’un passait auprès du cimetière !
J’ai beau heurter du front les planches de ma bière,
Le couvercle est trop lourd !
Le fossoyeur dort mieux que les morts qu’il enterre.
Quel silence profond ! la route est solitaire ;
L’écho lui-même est sourd.
A moi tes bras d’ivoire, à moi ta gorge blanche,
A moi tes flancs polis avec ta belle hanche
A l’ondoyant contour ;
A moi tes petits pieds, ta main douce et ta bouche,
Et ce premier baiser que ta pudeur farouche
Refusait à l’amour.