Page:Gautier - Poésies complètes, tome 2, Charpentier, 1901.djvu/27

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LA TRÉPASSÉE.

C’en est fait ! c’en est fait ! Il est là ! sa morsure
M’ouvre au flanc une lame et profonde blessure ;
        Il me ronge le cœur.
Quelle torture ! O Dieu, quelle angoisse cruelle !
Mais que faites-vous donc lorsque je vous appelle,
        O ma mère, ô ma sœur ?


LE VER.

Dans leur âme déjà ta mémoire est fanée,
Et pourtant sur ta fosse, ô pauvre abandonnée,
        L’oranger est tout frais.
La tenture funèbre à peine repliée,
Comme un songe d’hier elles t’ont oubliée,
        Oubliée à jamais.


LA TRÉPASSÉE.

L’herbe pousse plus vite au cœur que sur la fosse ;
Une pierre, une croix, le terrain qui se hausse,
        Disent qu’un mort est là.
Mais quelle croix fait voir une tombe dans l’âme !
Oubli ! seconde mort, néant que je réclame,
        Arrivez, me voilà !


LE VER.

Console-toi. — La mort donne la vie. — Éclose
A l’ombre d’une croix l’églantine est plus rose
        Et le gazon plus vert.
La racine des fleurs plongera sous tes côtes ;
A la place où tu dors les herbes seront hautes ;
        Aux mains de Dieu tout sert !