Page:Gautier - Poésies de Th. Gautier qui ne figureront pas dans ses œuvres.djvu/70

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s’est fait sentir ; vous vous êtes soulevé dans votre cercueil ; vos yeux un moment se sont rouverts  : le drapeau tricolore flottait sur le rivage, mais votre aigle n’y était pas.

« Le peuple se presse comme autrefois sur votre passage, il vous salue de ses acclamations comme si vous étiez vivant ; mais les grands du jour, tout en vous rendant hommage, diront tout bas « Dieu ! ne l’éveillez pas !»

« Vous avez enfin revu ces Français que vous aimiez tant ; vous êtes revenu dans cette France que vous avez rendue si grande ; mais l’étranger y a laissé des traces que toutes les pompes de votre retour n’effaceront pas !

« Voyez cette jeune armée ; ce sont les fils de vos braves ; ils vous vénèrent, car vous êtes la gloire ; mais on leur dit « Croisez vos bras !»

« Sire, le peuple, c’est la bonne étoffe qui couvre notre beau pays ; mais ces hommes que vous avez faits si grands, et qui étaient si petits, ah ! Sire, ne les regrettez pas.

« Ils ont renié votre évangile, votre idée, votre gloire, votre sang ; quand je leur ai parlé de votre cause, il nous ont dit : Nous ne comprenons pas.

« Laissez-les dire, laissez-les faire ; qu’importent, au char qui monte, les grains de sable qui se jettent sous les roues ! Ils ont beau dire que vous êtes un météore qui ne laisse pas de trace ; ils ont beau nier votre gloire civile ; ils ne vous déshériteront pas !

« Sire, le 15 décembre est un grand jour pour la France et pour moi. Du milieu de votre somptueux cortège, dédaignant certains hommages, vous avez un instant jeté vos regards sur ma sombre demeure,