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HENRY MURGER.

La seconde, qui est la Chanson de Musette, nous semble un pur chef-d’œuvre de grâce, de tendresse et d’originalité. Nous ne saurions mieux faire ici que de transcrire. C’est le meilleur éloge qu’on puisse faire d’un tel morceau.

Hier, en voyant une hirondelle
Qui nous ramenait le printemps,
Je me suis rappelé la belle
Qui m’aima quand elle eut le temps ;
Et pendant toute la journée
Pensif, je suis resté devant
Le vieil almanach de l’année
Où nous nous sommes aimés tant.

Non, ma jeunesse n’est pas morte,
Il n’est pas mort ton souvenir ;
Et si tu frappais à ma porte,
Mon cœur, Musette, irait t’ouvrir.
Puisqu’à ton nom toujours il tremble,
Muse de l’infidélité,
Reviens encor manger ensemble
Le pain bénit de la gaieté.

Les meubles de notre chambrette,
Ces vieux amis de notre amour
Déjà prennent un air de fête
Au seul espoir de ton retour.
Viens, tu reconnaîtras, ma chère,
Tous ceux qu’en deuil mit ton départ
Le petit lit — et le grand verre
Où tu buvais souvent ma part.

Tu remettras la robe blanche
Dont tu te parais autrefois,
Et comme autrefois, le dimanche.
Nous irons courir dans les bois.
Assis, le soir, sous la tonnelle
Nous boirons encor ce vin clair
Où ta chanson mouillait son aile
Avant de s’envoler dans l’air.

Dieu, qui ne garde pas rancune
Aux méchants tours que tu m’as faits,