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PORTRAITS CONTEMPORAINS.

Ne refusera pas la lune
À nos baisers sous les bosquets.
Tu retrouveras la nature
Toujours aussi belle, et toujours,
ma charmante créature,
Prête à sourire à nos amours.

Musette qui s’est souvenue,
Le carnaval étant fini,
Un beau matin est revenue,
Oiseau volage, à l’ancien nid.
Mais en embrassant l’infidèle
Mon cœur n’a pas plus senti d’émoi,
Et Musette, qui n’est plus elle,
Disait que je n’étais plus moi.

Adieu, va-t’en, chère adorée ;
Bien morte avec l’amour dernier,
Notre jeunesse est enterrée
Au fond du vieux calendrier.
Ce n’est plus qu’en fouillant la cendre
Des beaux jours qu’il a contenus
Qu’un souvenir pourra nous rendre
La clef des paradis perdus.

Deux pièces d’un pressentiment funèbre, trop justifié, hélas ! terminent le recueil. L’une est un appel presque caressant à la mort, l’autre une espèce de testament, moitié sérieux, moitié ironique, où l’auteur, doutant qu’il puisse s’asseoir « parmi le groupe élu des gens qui verront l’Africaine » fait ses dispositions dernières, règle son convoi et dresse le plan de son tombeau. — Thomas Hook, le spirituel rédacteur du Punch et l’auteur de cette Chanson de la Chemise (Song of the Shirt) qui fut presque un événement en Angleterre, eut aussi cette fantaisie lugubre de dessiner son monument, et pour épitaphe il y mit : « Il fit la Chanson de la Chemise. » Sur le tombeau de Murger ne pourrait-on pas écrire : « Il fit la Chanson de Musette ? »

 (Le Moniteur, 1er février 1861.)