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LÉON GOZLAN

NÉ EN 1806 — MORT EN 1866
De Suisse, le 15 septembre.

Rien de plus sinistre que l’arrivée d’un télégramme à la campagne, le soir. La sonnette de la grille tinte comme un glas dans le silence ; aussitôt s’éveillent les aboiements furieux des chiens de garde, qui arrivent au pas de course, du fond du parc, sentant un étranger. Les chiens de l’intérieur répondent au vacarme, de leur voix plus grêle, avec une persistance rageuse, et bientôt le battant entr’ouvert de la porte laisse apercevoir le facteur du télégraphe, encadré par la nuit. Un domestique l’accompagne, pour empêcher que les molosses qui lui flairent les talons ne le dévorent.

Autour d’une table brillamment éclairée, la châtelaine, les amis et les hôtes de la maison sont en train de souper ; les conversations joyeuses, les propos aimables, tout le pétillement d’esprit s’arrête brusquement. Les poitrines sont oppressées, l’inquiétude se lit dans tous les yeux. On ne sait pas encore à qui le télégramme est adressé. Chacun tremble pour l’être cher qui n’est pas