Page:Gautier - Portraits du XIXe siècle, Poëtes et romanciers.djvu/279

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jamais l’attention ni la mémoire du lecteur. Quelques pages claires et presque dramatiques peu de descriptions, et qu’elles soient charmantes en leur brièveté nécessaire ; surtout, que le style soit irréprochable, car la Nouvelle est un monde si petit, si petit, qu’on y voit toutes choses de fort près, et que les plus minces incorrections y frappent douloureusement les regards les mieux disposés. Enfin n’y violez pas la loi des proportions. À ce scarabée charmant n’allez pas donner une tête gigantesque et un corps microscopique. C’est aux plus petits êtres qu’il appartient peut-être d’être le mieux proportionnés.

Mais, si la Nouvelle est d’un succès si difficile, il faut avouer que rien n’égale sa puissance. Elle circule partout, grâce à sa finesse. Les ennemis de la Vérité ont compris la force de ces contes jadis trop dédaignés, et ils ont chargé plus d’une fois la Nouvelle de colporter l’erreur avec son sourire engageant. De là tant de petits romans révolutionnaires et impies de là tant de récits élégamment lubriques. Dans un autre ordre d’idées, on a vu les protestants se servir de la Nouvelle ainsi que d’un commissionnaire dont on ne sait pas se défier : de là ces contes honnêtes et ennuyeux qui se terminent par une citation de l’Ancien Testament… et par l’adresse exacte de quelque temple luthérien, calviniste ou wesleyen. Nous avons encore la Nouvelle humanitaire, la Nouvelle morale indépendante, etc., etc. Et, par la grâce de Dieu, nous avons aussi la Nouvelle catholique.

Il importe singulièrement que nous ne désertions pas cette cause du roman chrétien, qu’on a déjà plaidée tant de fois et avec tant de bonheur. Viens, chère Nouvelle au pas alerte, viens vers nous. Nous t’ôterons des mains ces