Page:Gautier - Portraits du XIXe siècle, Poëtes et romanciers.djvu/278

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double sens, j’ajouterais que c’est un des esprits les plus gaulois que je connaisse. Disons tout simplement qu’il est très français. Il a la joie pétillante et la tournure sémillante qui sont propres aux artistes de notre race : gai jusqu’à la cabriole, original jusqu’au paradoxe, charmant enfin, et tout à fait aimable. Nous n’avons plus assez de ces esprits du cru. Nos littérateurs tiennent trop souvent à entourer leur front des nébulosités de l’Allemagne et des brouillards de l’Angleterre. On rougit volontiers d’être Français. On demande pardon de « la liberté grande » que l’on a prise de naître au sein d’un peuple si superficiel, si léger. Ourliac n’avait pas de ces scrupules ; il aimait la France un peu en Gascon, mais il l’aimait, et faisait bien. Bien qu’il fût né, je crois, de l’autre côté de la Loire, il avait plutôt les finesses du nord que les ardeurs du midi de notre France. Au treizième siècle, il eût rimé des fableaux.

Le temps des fableaux étant passé, Ourliac a fait des nouvelles. Et, disons-le, avant d’aller plus loin, c’est dans la nouvelle qu’il a particulièrement excellé. Il est un des maîtres en ce genre difficile.

La Nouvelle, c’est le roman en miniature, ou plutôt en essence. La Nouvelle demande une parfaite unité, tout en exigeant une concentration rigoureuse. Il est permis aux romanciers de s’éparpiller, d’enchevêtrer les épisodes dans les épisodes, de faire des chapitres philosophiques, scientifiques, politiques ; mais le nouvelliste n’a aucun de ces droits. Sur un terrain restreint il conduit deux ou trois personnages dont il est forcé de dessiner d’une main sûre et très nettement les physionomies distinctives. Après une très courte introduction, il faut que l’action s’engage ; il faut qu’elle se précipite rapidement, sans fatiguer