Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous nous sommes contenté de nous promener par les rues, à travers une énorme affluence d’étrangers, dans un pêle-mêle d’équipages se hâtant vers quelque cérémonie ou quelque gala.

Nous vîmes là ce qui n’existe plus depuis longtemps en France, un coureur ! — le dernier peut-être de l’espèce. C’était un homme maigre, svelte, basané sous des cheveux blonds, vêtu d’une veste de velours flottante richement galonnée, d’un pantalon rayé de bandes roses et blanches, sanglé d’une ceinture, coiffé d’une sorte de petit bonnet à la hongroise. Il tenait en main un cor dont il sonnait de temps à autre, sans ralentir son pas gymnastique. On le rencontrait partout courant comme un dératé et s’acquittant de divers messages. Eût-il pu suivre comme un zagal une chaise lancée au galop de dix mules d’Espagne, et cela d’un relai à l’autre ? C’est ce que nous ne saurions dire, ne l’ayant pas vu lutter contre des chevaux. Toujours est-il qu’il semblait fort ingambe et nullement fatigué de son métier.

Une représentation solennelle devait avoir lieu le soir au théâtre, et les moindres places se disputaient avec un acharnement dans lequel, vous le pensez bien, la pièce annoncée n’était pour rien. Nous dûmes à la