Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/169

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Le Campanile, tour d’une élévation prodigieuse, à qui tous les clochers de Venise ne vont qu’à la cheville, et qui est plus haute que la tour de Bologne et d’Argentine. L’ange de cuivre creux qui lui sert de girouette à quatorze pieds de haut. On y monte par une rampe douce et sans escalier. Un immense panorama se déploie à vos yeux ; un ciel clair et profond vous environne, l’horizon s’étend sans fin devant vos pieds ; des côtes plates et des vases d’une teinte cendrée, la mer bleue et transparente forment les bords du cercle ; des toits de toutes les couleurs, de toutes les formes, chatoient au soleil dans le fond du gouffre. Le palazzo Ducale, la Zuecca, les Procuratorie, la chiesa di San-Marco se détachent de ces îlots de maisons ; le clocher de San-Moise, l’aiguille rouge de San-Francisco della Vigna, les tourelles de San-Jona semblent se hausser pour vous atteindre. Plus loin, la Dogana avance sa pointe ; San-Giorgo, toute fière de son église de Palladio, de son dôme et de sa tour, se découpe, riante et verte, dans un archipel de petites îles. Vous voyez les prames, les polacres, les brigantins qui font quarantaine à San-Servolo, ou qui voguent à pleines voiles sur le grand bassin ; les canaux intérieurs, dont vous ne pouvez apercevoir l’eau, coupent de sillons profonds les masses d’ar-