Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/190

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— Seigneur étranger, nul ne peut connaître
Ces hommes voilés pour faire le bien :
C’est un ouvrier, le grand-duc peut-être.
Sous cet habit noir, chacun est chrétien !

Les peuples du Midi, quoique pensant beaucoup moins à la mort que les peuples septentrionaux, parce qu’ils en sont incessamment distraits par la volupté du climat, le spectacle d’une belle nature, la fougue d’un sang plus chaud et des passions plus vives, aiment ces processions de fantômes en domino ; car on les retrouve dans toute l’Italie. Ils sentent le besoin de donner à tout une forme plastique et d’agir sur l’imagination par le spectacle. Il n’y a pas longtemps que les morts étaient portés à visage découvert ; l’aspect de ces cadavres immobiles et livides sous le fard dont on les peignait pour dissimuler la grimace figée de l’agonie et le travail commençant de la décomposition, devait encore ajouter à l’effet sinistre et fantastique de ces enterrements. Maintenant, il n’y a plus que les moines que l’on expose de la sorte avec leur froc pour linceul.

Chose bizarre ! en Angleterre, le pays des nuits d’Young, le pays où les fossoyeurs de Shakspeare jouent à la boule sur le théâtre avec le crâne d’Yorick, dans la terre natale du spleen et du suicide, on enlève