Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/217

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

répondit au grand-duc, le consultant à ce sujet, que ce qu’on avait de mieux à faire pour décorer la place, c’était de continuer le portique d’Orcagna ou d’Orgagna, — car telle est l’orthographe italienne du nom, — nous croyons que la loggia est bien comme elle est et ne gagnerait nullement à être répétée comme les arcades de la rue de Rivoli. Son charme principal, c’est que, symétrique elle-même, elle observe la loi de l’interséquence parmi les monuments qui l’accompagnent et qu’elle interrompt ; cette diversité donne à la place une gaieté à laquelle eût bientôt succédé l’ennui, si l’on eût répété les arcades sur toutes les faces.

Orgagna, comme Giotto, comme Michel-Ange, comme Léonard de Vinci, comme Raphaël et toutes les grandes capacités panoramiques de ces temps bienheureux où l’envie bourgeoise ne restreignait pas le génie à une étroite spécialité, parcourait d’un pas égal la triple carrière de l’art : il était architecte, peintre et sculpteur. La loggia, les fresques du Campo-Santo, la statue de la Vierge et différents tombeaux dans les églises de Florence montrent combien il était supérieur dans chacune de ces parties. Aussi avait-il le légitime et naïf orgueil de mettre au bas de ses peintures : Orgagna sculptor, et, au bas de ses sculptures : pictor.