Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/233

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vendent en réalité ; on ne les paye pas sur-le-champ, mais on leur fait de temps à autre un petit cadeau d’argent ou d’autre chose ; ce qui est plus gracieux pour la marchandise et la marchande, ces bouquetières étant ordinairement de jeunes et jolies filles, fleurs fraîches et jolies filles s’attirant par une harmonie naturelle.

Nous dessinerons, tout en gardant le secret des noms, quelques unes des individualités féminines les plus remarquables. Une princesse russe (toutes les Russes sont princesses) trônait dans une superbe calèche doublée de velours violet et entourée de beaucoup d’adorateurs. Blanche comme la neige de son pays, les paupières brunies de khool, la lèvre rouge, le front encadré de cheveux ondes d’un blond marron devenu presque châtain sous le lustre des essences, couronnée d’une natte épaisse qui lui faisait comme un diadème sous l’auréole de son chapeau de dentelle, elle rappelait, par un certain air oriental et circassien, la fameuse Odalisque d’Ingres, popularisée par la lithographie de Sudre.

Les grandes dames russes ont, dans leur élégance, quelque chose de fastueux et de barbare, et dans leur pose, un calme impérieux, une nonchalance pleine de sérénité, qui leur viennent de l’habitude de régner sur des esclaves et leur composent une physionomie à part