Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/287

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varès ! quel jet, quelle puissance et quelle vie ! Comme il réalise bien cet idéal que se proposent les peintres et les statuaires pour la figure d’un homme de pensée et d’action, « calme sur un cheval fougueux ! » Outre qu’il est un grand portraitiste. Velasquez, comme Titien, est aussi un grand paysagiste ; la campagne qui sert de fond à ce tableau est pleine d’air, de lumière et de profondeur.

Velasquez, quoiqu’il fût don Diego Velasquez de Silva, peintre du roi, gentilhomme de la chambre et fourrier de la cour, ne dédaignait pas les mendiants, les ivrognes, les gitanos, et il les peignait de la même brosse qui venait de fixer dans un cadre d’or une physionomie royale ou princière. Voyez le tableau de los Borrachos, un chef-d’œuvre qui, selon nous, mérite mieux que las Meninas le titre de théologie de la peinture ; l’Ésope et le Ménippe, deux simples gueux philosophiques, jaunes, rances, délabrés, sordides, mais superbes ; el Nino di Vallecas, un enfant phénomène, né avec un double rang de dents, et tenant la bouche ouverte, dont Velasquez a fait une peinture admirable. Les femmes barbues des foires n’effrayaient pas son robuste amour de la vérité. Sa couleur, impartiale comme la lumière, s’étendait sur tous les objets avec une splendeur tranquille, sûre de