Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/298

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beaucoup étudié cette grammaire plastique et nous sommes à peu près sûr d’avoir traduit, sans contre-sens, la harangue des prophètes de pierre dans la cour de l’Escorial. Ce ne sont peut-être pas les mêmes mots ; mais l’idée est identique.

Nous entrâmes dans l’église avec la foule. Elle est nue, énorme, d’une aridité désolante ; rien que des pilastres doriques et des moulures pour corniches : l’inflexibilité du dogme n’a jamais été symbolisée d’une façon plus rigide. On serait tenté de dire, comme au seuil de la Cité du Dante : « Laissez toute espérance, vous qui entrez ici ; » et ce n’est pas là un jeu d’imagination poétique. L’âme se sent accablée dans ce temple si dur, si froid, si inexorable d’aspect ; elle ne pense qu’à la colère de Dieu et non à sa miséricorde.

Aux voûtes, des fresques de Coello, de Carducci, de Luca Ganziaso et autres décorateurs dont les noms ne nous reviennent pas, tâchent, par leurs tons azurés, de donner un peu d’air au sombre édifice ; mais elles ne réussissent pas à percer les épaisses murailles. Leur gaieté de décadence et leur style d’opéra choquent comme une toilette de bal au tribunal de inquisition. Nous aimerions mieux la voûte nue et grise.

À côté du retable, haut comme une maison et d’une