Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/308

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chapiteaux découpés dans le marbre, que d’inscriptions en caractères cufiques ornés de rinceaux et de feuillages, que de voûtes en stalactites et en alvéoles d’abeilles à la mode sarrasine, que de plafonds en cèdre du Liban à compartiments peints et dorés, enfouis et perdus sous une triple couche de chaux qu’un lavage ferait revenir au jour ! Mais ce sont là des regrets superflus. Les villes ont leur existence comme les hommes, et l’on ne saurait faire revivre celles qui sont mortes.

Autrefois, nous avions remarqué entre ces logis moresques ou féodaux quelques façades pompadour, peinturlurées de couleurs tendres et agrémentées de feintes architectures. Elles ont bien pâli depuis vingt-quatre ans et l’on a eu le bon goût de n’en pas renouveler le badigeonnage. Nous ne les regrettons pas. Ces maisons fardées faisaient tache sur la couleur sombre et sévère de la ville.

San-Juan-de-los-Reyes, où nous arrivâmes après mille détours, porte encore à ses crochets les chaînes des chrétiens captifs délivrés par la victoire des Espagnols sur les Mores. On a relevé, autant qu’on a pu, son beau cloître en ruine, architecture ogivale si élégante et si frêle. Des trèfles évidés à jour, des fragments de