Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/38

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c’est aujourd’hui plus que jamais que le mot du sage : « Je vis par curiosité, » a un sens profond. — L’homme pétrit vaillamment sa planète, et qui vivra verra — de grandes choses.

Et Cherbourg ? — On vous l’a raconté déjà de cent façons, car c’est un caractère du temps nouveau : tout le monde sait tout en même temps. La plume court, mais l’électricité vole, rapide comme la lumière. Cent mille yeux voient, des millions d’yeux lisent ; aucun fait n’est inédit ; on n’a plus à soi que sa pensée, et encore !

Mais voilà bien des réflexions. Allons remettre notre carte, comme il convient, au vieux père Océan, dont les colères bientôt ne feront plus peur à personne ; nuit et jour, sans se fâcher, il reçoit des soufflets de la vapeur, et il renferme dans sa verte poitrine le câble transatlantique sans pouvoir deviner les messages qui s’échangent entre l’ancien monde et le nouveau. Pauvre vieux père Océan, devenu facteur de la poste aux lettres ! tu ne sépares rien, tu n’empêches rien, tu n’as plus qu’une immensité relative, puisqu’on te traverse en une semaine. Il ne te reste que ta beauté !