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IV


Aucun spectacle ne donne à l’orgueil humain une satisfaction plus légitime que la vue d’un port, et surtout d’un port comme celui de Cherbourg. Quand on pense qu’un pauvre petit animalcule, acarus d’une planète, point perdu au milieu de l’espace, exécute de si gigantesques travaux avec quelques outils de fer, quelques poignées de poudre noire à laquelle il met le feu, on se sent saisi de respect pour cet atome ingénieux, cet éphémère doué d’une telle persistance. L’Océan, avec son immensité, est moins grand que lui.

À propos de l’Océan, que nous avions qualifié de facteur, il paraît qu’il se lasse déjà de porter les lettres et ne transmet les dépêches qu’avec beaucoup de mauvaise grâce. — Vous vous ferez donner sur les oreilles, père Océan ! l’esprit de l’homme est plus fort que votre vague, et il faut tôt ou tard lui obéir ; il saura bien trouver dans son livre magique la formule nécessaire pour vous y forcer.