Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/6

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quette, et les chariots les emportaient aux wagons de bagages avec une rapidité inouïe.

Lorsque les portes, en s’ouvrant, laissèrent comme un batardeau rompu, pénétrer dans le débarcadère l’océan des excursionnistes, le premier flot remplit tout un convoi, si long pourtant, que c’était déjà un voyage d’aller de sa queue à sa tête. Il y avait là de quoi peupler une ville.

Un second convoi fut organisé sur-le-champ, dans lequel nous pûmes trouver place ; il n’était pas moins considérable que le précédent, et, certes, la flotte combinée des Grecs partant pour Troie emmenait moins d’Achéens aux longues chevelures et aux belles enémides que cette suite de caisses n’emportait de Parisiens en panamas et en paletots d’été.

Ce spectacle de migration par masses d’une ville à une autre nous ramenait, par un saut de pensée, à ces tribus d’Abares, de Daces, de Iluns, de Vandales se mettant en marche pour quelque contrée lointaine avec leurs idoles, leurs femmes, leurs enfants, leurs grossiers trésors chargés sur des chars à bœufs, et faisant la stérilité sur leur passage comme une invasion de sauterelles. Ce que la barbarie accomplissait à travers les ruines, les combats, les dévastations, les périls et les fatigues