Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/82

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bouchant de l’escalier, on voit le chambranle et le manteau de la gigantesque cheminée où se chauffaient jadis les soldats, dont les pertuisanes atteintes d’un reflet de flamme brillaient au râtelier. Au fond même de la cheminée, on a modernement pratiqué une porte qui conduit au logis du geôlier ; quelques surveillants vont et viennent à travers cette antique salle des gardes. Une partie des précautions qu’on employait autrefois pour empêcher d’entrer dans l’abbaye, on les emploie aujourd’hui pour empêcher d’en sortir.

Il faudrait une monographie tout entière, illustrée d’une centaine de gravures sur bois, pour décrire dans tous ses détails le mont Saint-Michel. Nous n’avons pas la prétention de la faire en quelques pages et après une seule visite de deux ou trois heures ; il nous suffira de noter ce qui nous a le plus frappé et de rendre notre impression générale.

Une visite au mont Saint-Michel est un plaisir du même genre que celui qu’on prend à lire un roman d’Anne Radcliffe ou à feuilleter ces étranges eaux-fortes dans lesquelles Piranèse égratignait sur le vernis noir ses cauchemars d’architecture. Vous montez, vous descendez, vous changez à chaque instant de niveau, vous suivez des couloirs obscurs, tantôt dans la montagne,