Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/90

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sont mises en réquisition ; des calèches centenaires, des berlingots antédiluviens oubliés sous leurs remises poudreuses, voient le jour étonné, pour cette fois seulement ; les omnibus, chargés de monde, courent au galop et multiplient leurs voyages. Dès midi, quoique la course ne commence qu’à trois heures, la haie des curieux est formée.

Ceux qui n’ont pu trouver place regardent passer les privilégiés ; c’est déjà un spectacle. Quelques Espagnoles d’une beauté étrange et splendide, drapées de la mantille nationale, manégeant l’éventail, lançant sur la foule les rapides éclairs de leurs yeux noirs, s’étalent en calèche découverte et soutiennent avantageusement la lutte contre les élégantes Françaises qu’emportent les coupés et les landaus : sur les bords de la chaussée il y a aussi de jolies Basquaises coiffées d’un mouchoir roulé en forme de taktikos et que le crayon de l’artiste ne dédaignerait pas.

Un mouvement d’ondulation se produit dans la cohue ; des pieds de chevaux résonnent sur le pavé, des paillettes scintillent dans un rayon : ce sont les picadores qui se rendent à la place armés déjà de leur longue lance ; puis arrive grand train une voiture chargée de la cuadrilla, dont les riches costumes reluisent