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richard wagner

lement il a des moments d’une sérénité divine. Ses traits prennent alors une douceur incomparable, la face s’enveloppe d’une pâleur qui n’a rien de maladif, mais semble la voiler d’une nuée légère. À ces instants-là rien ne le trouble ni ne l’émeut, on le sent seul avec lui-même, en face de son rêve, et on songe malgré soi à un lac magnifique reflétant le ciel.

Jamais je n’ai contemplé cette paisible rêverie sans émotion, sans le vif désir que rien ne puisse la troubler, la dissiper ; mais il faut peu de chose pour amener l’agitation, le moindre souffle y suffit : heureux si la tempête ne se déchaîne pas !

Wagner, malheureusement pour lui, ne connaîtra jamais ce sentiment si sagement égoïste : l’indifférence polie.

Avant mon départ de Lucerne il voulut organiser une excursion de quelques jours pour nous montrer le pays de Guillaume Tell.

Il fallut partir à l’aube et la voiture longeait