Page:Gautier - Souvenirs de théâtre d’art et de critique.djvu/50

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dépend de l’exécution. Les pièces de M. Scribe sont plus fausses que les nouvelles d’Hoffmann, et peu de livres ont, artistement parlant, des sujets plus admissibles que les contes du Majorat et du Violon de Crémone. Puis, on est très agréablement surpris de trouver des pages pleines de sensibilité, des morceaux étincelant d’esprit et de goût, des dissertations sur les arts, une gaieté et un comique que l’on n’aurait pas soupçonnés dans un Allemand hypocondriaque et croyant au diable et, chose importante pour les lecteurs français, un nœud habilement lié et délié, des péripéties et des événements, tout ce qui constitue l’intérêt dans le sens idéal et matériel du mot.

Du reste, le merveilleux d’Hoffmann n’est pas le merveilleux des contes de fées ; il a toujours un pied dans le monde réel, et l’on ne voit guère chez lui de palais d’escarboucles avec des tourelles de diamant. — Les talismans et les baguettes des Mille et une Nuits ne lui sont d’aucun usage. Les sympathies et les antipathies occultes, les folies singulières, les visions, le magnétisme, les influences mystérieuses et malignes d’un mauvais principe qu’il ne désigne que vaguement, voilà les éléments surnaturels ou extraordinaires qu’emploie habituellement Hoffmann. C’est le positif et le plausible du fantastique ; et, à vrai dire, les contes d’Hoffmann devraient plutôt être appelés contes capricieux ou fantasques, que contes fantastiques. Aussi les plus rêveurs et les plus nuageux des Allemands préfèrent-ils de beaucoup Novalis, et considèrent-ils Hoffmann comme une nourriture pesante et bonne seulement pour les plus robustes estomacs littéraires. Sa vivacité et l’ardeur de son coloris, tout à fait italien, offusquent leurs yeux habitués aux mourantes pâleurs des clairs de