Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/110

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respirez et où me ramène un sentiment que n’a point effacé la transition d’un monde à l’autre. Ma vie terrestre, ou, pour mieux dire, ma dernière apparition sur votre planète, a été bien courte ; mais elle a suffi pour me donner le temps d’éprouver ce qu’une âme tendre peut sentir de plus douloureux. Lorsque le baron de Féroë cherchait la nature de l’esprit dont les vagues manifestations vous troublaient, et qu’il vous demandait si jamais quelque femme, quelque jeune fille était morte d’amour pour vous, il était plus près de la vérité qu’il ne le croyait, et quoique vos souvenirs ne pussent rien vous rappeler, puisque le fait vous était inconnu, cette assertion a remué profondément votre âme, et votre trouble se cachait mal sous une dénégation sceptiquement enjouée.

Sans que vous l’ayez aperçue, mon existence a passé près de la vôtre. Vos yeux étaient portés ailleurs, et je restai pour vous dans l’ombre.

La première fois que je vous vis, c’était au parloir du couvent des Oiseaux, où vous alliez visiter votre sœur qui était là en pension, ainsi que moi, mais dans une classe plus élevée, car je n’avais encore que treize ou quatorze ans tout au plus, et je ne paraissais pas mon âge, tant j’étais frêle, mignonne et blonde. Vous ne fîtes aucune attention à cette petite fille, à cette enfant qui, tout en croquant le chocolat praliné de chez Marquis que lui avait apporté sa mère, vous lançait de côté un