Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/181

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dormie, je vous fis écrire au billet de la dame cette réponse où se trahissaient vos secrets sentiments et qui vous causa tant de surprise. L’idée du surnaturel s’éveilla chez vous, et, plus attentif, vous comprîtes qu’une puissance mystérieuse se mêlait à votre vie. Le soupir que je poussai lorsque, malgré l’avertissement, vous vous décidâtes à sortir, quoique faible et vague comme une vibration de harpe éolienne, vous troubla profondément et remua dans votre âme d’occultes sympathies. Vous y aviez deviné un accent de souffrance féminine. Je ne pouvais encore me manifester à vous d’une façon plus précise, car vous n’étiez pas assez dégagé des ombres de la matière, et j’apparus au baron de Féroë, un disciple de Swedenborg, un voyant, pour lui recommander de vous dire cette phrase mystérieuse qui vous mit en garde contre les périls que vous couriez et vous donna le désir de pénétrer dans le monde des esprits où vous appelait mon amour. Vous savez le reste. Dois-je remonter là-haut ou rester ici-bas, et l’ombre sera-t-elle plus heureuse que la femme ?…

Ici, l’impulsion qui faisait courir sur le papier la plume de Malivert s’arrêta, et la pensée du jeune homme, suspendue par l’influence de Spirite, reprit possession de son cerveau. Il lut ce qu’il venait d’écrire d’une façon inconsciente, et s’affermit dans la résolution d’aimer uniquement