Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/182

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et jusqu’à la mort cette âme charmante qui avait souffert pour lui dans son court passage sur la terre. « Mais quelles seront nos relations ? se disait-il ; Spirite m’emmènera-t-elle dans les régions où elle plane, ou voltigera-t-elle autour de moi, visible pour moi seul ? Me répondra-t-elle si je lui parle, et comment l’entendrai-je ? »

C’étaient là des questions qu’il n’était pas facile de résoudre ; aussi Malivert, après les avoir agitées, les abandonna-t-il, et resta plongé dans une longue rêverie dont Jack le fit sortir en annonçant le baron de Féroë.

Les deux amis échangèrent une poignée de main, et le Suédois aux moustaches d’or pâle se jeta dans un fauteuil.

« Guy, je viens sans façon vous demander à déjeuner, dit-il en allongeant ses pieds sur le garde-feu ; je suis sorti de bonne heure, et en passant devant votre maison, cette fantaisie m’a pris de vous faire une visite presque aussi matinale que celle d’un garde du commerce.

— Vous avez bien fait, baron, et c’est là un heureux caprice, répondit Malivert en sonnant Jack, à qui il donna des ordres pour qu’on servît le déjeuner et qu’on mît deux couverts.

— On dirait, mon cher Guy, que vous ne vous êtes pas couché, dit le baron en regardant les bougies qui avaient brûlé jusqu’aux bobèches et les feuillets d’écriture épars sur la table. Vous