Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/205

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à fait aristocratique ? Que pouvait-on trouver à reprendre à ses voitures qui venaient de chez Binder, à ses chevaux vendus et garantis par Crémieux ? Ses laquais n’avaient-ils pas belle encolure et ne sentaient-ils pas leurs laquais de bonne maison ? Ses dîners ne méritaient-ils pas l’approbation des gourmets ? — Tout cela lui semblait composer un idéal assez confortable.

Cependant la dame au traîneau entrevue au bois de Boulogne lui trottait par la cervelle, et plusieurs fois elle était allée faire le tour du lac dans l’idée de la rencontrer et de voir si Malivert la suivait. La dame ne reparut pas, et la jalousie de Mme d’Ymbercourt dut s’exercer dans le vide ; personne d’ailleurs ne la connaissait et ne l’avait remarquée. Guy en était-il amoureux, ou avait-il cédé à un simple mouvement de curiosité lorsqu’il avait lancé Grymalkin à la poursuite du steppeur ? C’est ce que Mme d’Ymbercourt ne put démêler. Elle revint donc à l’idée qu’elle avait effarouché Guy en lui donnant à entendre qu’il la compromettait ; cette phrase, qu’elle n’avait dite que pour le forcer à une déclaration formelle, elle regrettait de l’avoir prononcée : car Guy, trop fidèle à la consigne et d’ailleurs occupé de Spirite, s’était abstenu de toute visite. Cette parfaite obéissance piquait la comtesse, qui aurait préféré moins de soumission. Quoique ses soupçons ne