Aller au contenu

Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

joie secrète, et sur ses lèvres voltigeait, comme dit le poète :


Le sourire mystérieux
Des voluptés intérieures.


« Guy serait aimé d’une fée ou d’une princesse qu’il n’aurait pas l’air plus triomphant, dit un vieil habitué du balcon, don Juan émérite. Si Mme d’Ymbercourt y tient, elle peut porter le deuil de ce mariage projeté, car elle ne s’appellera jamais Mme de Malivert. »

Pendant l’entr’acte, Guy fit une courte visite à la loge de la comtesse pour prendre congé d’elle, car il allait faire un voyage de quelques mois en Grèce. Sa politesse avec d’Aversac fut naturelle, sans contrainte, sans exagération ; il n’eut pas cet air froidement cérémonieux que prennent les gens vexés, et il serra avec une tranquillité parfaite la main de Mme d’Ymbercourt, dont la contenance trahissait le trouble, quelque effort qu’elle fît pour paraître indifférente. La rougeur qui avait coloré ses joues lorsque Guy avait quitté son fauteuil d’orchestre pour venir à la loge avait fait place à une pâleur où la poudre de riz n’avait aucune part. Elle espérait du dépit, de la colère, un mouvement de passion, une marque de jalousie, peut-être même une querelle. Ce sang-froid qui n’était pas joué la démontait et la prenait au dépourvu. Elle croyait que Malivert l’aimait, et