Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/209

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elle voyait qu’elle s’était trompée. Cette découverte blessait à la fois son orgueil et son cœur. Guy lui avait inspiré un goût plus vif qu’elle ne l’imaginait elle-même, et elle se sentit malheureuse. La comédie qu’elle jouait, dès qu’elle ne servait plus à rien, l’ennuyait et la fatiguait. Malivert parti, elle s’accouda sur le rebord de sa loge, ne répondant que par monosyllabes aux galanteries que lui adressait d’Aversac, décontenancé de ce silence et de cette froideur. Sans qu’il se l’expliquât, au printemps avait succédé l’hiver. Un givre soudain recouvrait les roses. « Ai-je dit ou fait quelque sottise ? se disait le pauvre garçon naguère si bien accueilli, ou par hasard se moquerait-on de moi ? Guy, tout à l’heure, avait une aisance affectée et la comtesse semblait bien émue. Aimerait-elle toujours Malivert ? » Cependant, comme d’Aversac se savait épié par un certain nombre de lorgnettes, il continua son rôle, se penchant vers la comtesse en lui murmurant à l’oreille d’un air intime et mystérieux des banalités que tout le monde eût pu entendre.

Le vieil habitué, que ce petit drame amusait, en suivait les péripéties du coin de l’œil. « D’Aversac fait à mauvais jeu bonne mine, il n’est pas assez fort pour cette partie. Cependant c’est un sot, et les sots ont parfois de la chance auprès des femmes. La sottise s’entend volontiers avec