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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/215

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centaine de louis, ce qui ne contribua pas à le remettre en belle humeur. En rentrant chez lui, il se disait : « Comment ce diable de Malivert s’y prend-il pour se faire ainsi aimer des femmes ? »

Mme d’Ymbercourt, après s’être abandonnée aux soins de sa femme de chambre, qui la défit et l’accommoda pour la nuit, s’enveloppa d’un peignoir de cachemire blanc et s’accouda à son pupitre, la main plongée dans ses cheveux. Elle resta ainsi quelque temps, les yeux fixés sur son papier, roulant sa plume entre ses doigts. Elle voulait écrire à Guy, mais c’était là une lettre difficile à faire. Les pensées, qui lui arrivaient tumultueuses, s’en allaient lorsqu’elle essayait de les enfermer dans une phrase. Elle griffonna cinq ou six brouillons surchargés, raturés, illisibles, malgré sa belle écriture anglaise, sans pouvoir parvenir à se satisfaire. Les uns disaient trop, les autres disaient trop peu. Aucun ne rendait les sentiments de son cœur. Tous furent déchirés et jetés au feu. Elle s’arrêta enfin à cette rédaction :

« Ne vous fâchez pas, mon cher Guy, d’un mouvement de coquetterie bien innocent, je vous le jure, car il n’avait d’autre but que de vous rendre un peu jaloux et de vous ramener à moi. Vous savez bien que je vous aime, quoique vous ne m’aimiez guère. Votre air si froid, si tranquille, m’a glacé le cœur. Oubliez ce que je vous ai dit.