Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/235

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s’était donné la mission de le surveiller. Un froncement de sourcil de Malivert le faisait d’ailleurs reculer à son plan, et le mentor, avec une merveilleuse facilité de métamorphose, reprenait le rôle de valet de chambre.

Guy fit glisser un certain nombre de pièces d’or dans une ceinture de cuir qu’il portait sous ses vêtements, mit des pistolets aux fontes de sa selle, et en partant n’assigna pas de jour fixe pour son retour, voulant se laisser la liberté de l’imprévu, de l’aventure, du vagabondage à tout hasard. Il savait que Jack, accoutumé à ses disparitions, ne s’alarmerait pas de plusieurs jours et même de plusieurs semaines de retard, et resterait dans une quiétude parfaite dès qu’il aurait appris au cuisinier de l’hôtel à faire cuire le bifteck selon ses idées, — saisi au dehors et rose en dedans, — à l’anglaise.

L’excursion de Guy, sauf changement d’idée, devait se borner au Parnès et ne pas dépasser cinq ou six jours. Mais, au bout d’un mois, ni Malivert ni son guide n’avaient reparu. Aucune lettre n’était venue à l’hôtel annonçant un changement ou une prolongation d’itinéraire ; la somme emportée par Guy devait tirer à sa fin, et ce silence commençait à devenir inquiétant. « Monsieur ne me demande pas d’argent, se dit Jack un matin, en mangeant un bifteck enfin cuit à point qu’il arrosait d’un vin blanc de Santorin assez agréable,