Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/34

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corrige l’échancrure d’une robe et lui donne un contour favorable fournit une occasion de jolies poses. Notre héros se livrait à cette intéressante étude qu’il préférait à de banales conversations, et selon lui c’était le bénéfice le plus clair qu’on rapportât d’une soirée ou d’un bal. Il feuilletait d’un œil nonchalant ces livres de beauté vivants, ces keepsakes animés que le monde sème dans ses salons comme il place sur les tables des stéréoscopes, des albums et des journaux à l’usage des gens timides embarrassés de leur contenance. Ce plaisir, il le goûtait avec d’autant plus de sécurité que, par suite du bruit répandu de son prochain mariage avec Mme d’Ymbercourt, il n’était plus obligé de surveiller ses regards jadis guettés par les mères désireuses de placer leurs filles. On n’attendait plus rien de lui. Il cessait d’être une proie, c’était un homme classé, et bien que plus d’une jugeât in petto qu’il eût pu faire un meilleur choix, la chose était acceptée. Même il eût pu sans conséquence adresser deux ou trois phrases de suite à une jeune personne. N’était-il pas déjà le mari de Mme d’Ymbercourt ?

Dans la même embrasure de porte que M. Guy de Malivert se tenait un jeune homme qu’il rencontrait souvent à son club, et dont il aimait assez la tournure d’esprit empreinte d’une bizarrerie septentrionale. C’était le baron de Féroë, un Suédois, compatriote de Swedenborg, comme