Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/41

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anglais, et ses manières, de la précision la plus exquise, sont d’une froideur à faire paraître tiède le vent du pôle. Qu’il ait voulu se jouer de moi, c’est une idée inadmissible. On ne se moque pas de Guy de Malivert, même quand on est brave comme le Suédois aux cils blancs ; et d’ailleurs, où serait le sel de cette plaisanterie ? Il n’en a pas joui, en tout cas, car il s’est aussitôt dérobé comme un homme qui n’en veut pas dire davantage. Bah ! ne songeons plus à ces billevesées ; je verrai le baron demain au club, et sans doute il sera plus explicite. Couchons-nous et tâchons de dormir, que les esprits aient ou non l’œil sur nous. »

En effet, Guy se coucha, mais le sommeil ne lui vint pas comme il l’espérait, quoiqu’il appelât à son aide les brochures les plus soporifiques et qu’il les lût avec une extrême intensité d’attention machinale. Malgré lui, il écoutait les imperceptibles bruits qui se dégagent encore du plus complet silence. La détente de la sonnerie de sa pendule avant de sonner l’heure ou la demie, un pétillement d’étincelles sous les cendres, le craquement de la boiserie contractée par la chaleur, le son de la goutte d’huile tombant dans la lampe, le souffle de l’air attiré par le foyer et sifflant tout bas sous la porte en dépit des bourrelets, la chute inopinée d’un journal de son lit à terre, le faisaient tressaillir, tellement ses nerfs étaient tendus,