Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/43

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du Caire, jeta deux ou trois bûches sur les braises et s’assit près de la cheminée, dans un grand fauteuil plus commode à l’insomnie qu’un lit défait par une veille fébrile. Près du fauteuil, il vit sur le tapis un papier froissé qu’il ramassa. C’était la lettre qu’il écrivait à Mme  d’Ymbercourt, sous cette mystérieuse impulsion dont il ne pouvait encore se rendre compte. Il la ramassa, en défit les plis, et il remarqua, en l’examinant avec soin, que le caractère d’écriture de ces lignes ne ressemblait pas complètement au sien. On aurait dit une main impatiente qui n’aurait pu s’astreindre, dans un fac-similé, à suivre exactement le modèle, et aurait mêlé aux lettres de l’original des jambages et des déliés de sa propre écriture. L’aspect était plus élégant, plus svelte, plus féminin.

Tout en notant ces détails, Guy de Malivert songeait au Scarabée d’or d’Edgard Poë et à la sagacité merveilleuse avec laquelle William Legrand parvint à trouer le sens de la lettre en chiffres où le capitaine Kidd désigne d’une façon énigmatique la place précise de la cachette qui renferme ses trésors. Il aurait bien voulu posséder cette intuition profonde qui suppose d’une façon si hardie et si juste, supplée aux lacunes et renoue la trame des rapports interrompus. Mais ici Legrand lui-même, en lui adjoignant Auguste Dupin de la Lettre volée et de l’Assassinat de la rue Morgue, n’aurait pu humainement deviner la