Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/49

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le dire, me semblent même assez rares, quoiqu’elles paraissent trop fréquentes à d’autres.

— N’êtes-vous pas libre, sans parents fâcheux, sans frère importun, sans oncle radoteur, et sans tante chaperon, faisant de la tapisserie dans l’embrasure de la fenêtre ? La nature obligeante vous a débarrassée de cette broussaille d’êtres désagréables qui se hérissent trop souvent autour d’une jolie femme, pour ne vous laisser que leurs héritages. Vous pouvez recevoir qui vous voulez, car vous ne dépendez de personne.

— C’est vrai ! répliqua Mme  d’Ymbercourt ; je ne dépends de personne, mais je dépends de tout le monde. Une femme n’est jamais émancipée, fût-elle veuve et en apparence maîtresse de ses actions. Toute une police de surveillants désintéressés l’entoure et s’occupe de ses affaires. Ainsi, mon cher Guy, vous me compromettez.

— Moi, vous compromettre ! s’écria Malivert avec une sincérité de surprise qui prouvait une modestie bien rare chez un jeune homme de vingt-huit ans, bien tourné, s’habillant chez Renard et faisant venir ses pantalons d’Angleterre. Pourquoi moi plutôt que d’Aversac, Beaumont, Yanowski et Féroë, qui sont ici fort assidus ?

— Je ne saurais vous le dire, répondit la comtesse. Peut-être êtes-vous dangereux sans le savoir, ou le monde a-t-il reconnu en vous une puissance que vous ignorez. Le nom d’aucun de