Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/50

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ces messieurs n’a été prononcé ; on trouve tout naturel qu’ils viennent à mes mercredis, me fassent quelques visites de cinq à six heures au retour de la promenade du lac, et me saluent dans ma loge aux Bouffons et à l’Opéra. Mais ces actions, innocentes en elles-mêmes, faites par vous, prennent, à ce qu’il paraît, une signification terrible.

— Je suis cependant le garçon le plus uni du monde, et personne n’a jamais rien dit sur mon compte. Je n’ai pas un frac bleu comme Werther ni un pourpoint à crevés comme don Juan. On ne m’a jamais vu jouer de la guitare sous un balcon ; je ne vais pas aux courses en break avec de petites dames aux toilettes tapageuses, et dans les soirées, je n’agite aucune question de sentiment devant les jolies femmes pour faire briller la pureté et la délicatesse de mon cœur. On ne me voit point me poser contre une colonne, la main dans mon gilet, et regarder silencieusement, d’un air sombre et fatal, une pâle beauté aux longues anglaises ressemblant à la Kitty Bell d’Alfred de Vigny. Ai-je aux doigts des bagues en cheveux et sur la poitrine un sachet renfermant des violettes de Parme données par elle ? Fouillez mes tiroirs les plus intimes, vous n’y trouverez ni portrait brun ou blond, ni liasses de lettres parfumées nouées d’une faveur ou d’un fermoir en caoutchouc, ni pantoufle brodée, ni masque à barbe de dentelle, ni aucun